L’histoire d’une erreur judiciaire
En 1761, la rumeur s’affole : Jean Calas aurait tué son fils à cause de sa religion.
Alors, quand la justice s’égare, Voltaire contre-attaque.
Les évènements
Une époque formidable
Dans la famille Calas, il y a :
- le père – Jean, né en 1698, qui travaille comme marchand linger dans la rue des Filatiers à Toulouse.
- la mère – Anne-Rose Cabibel, protestante comme son mari, épousé en 1731.
- leurs 2 filles : Rose et Nanette.
- leurs 4 garçons : Marc-Antoine, Pierre, Louis et Donat.
- et la servante catholique, Jeanne Viguière.
Une famille protestante comme il y en a peu au XVIIIème siècle dans la Ville Rose.
Car, depuis 1685 et la révocation de l’Édit de Nantes (qui octroyait une certaine « liberté » de culte), il ne fait pas bon vivre en France pour les huguenots.
Pour échapper aux persécutions, il faut se convertir au catholicisme ou s’exiler, une option formellement interdite.
Ou bien la jouer fine et vivre le plus discrètement possible.
Ce que tente de faire la famille Calas.
Des histoires de famille
L’affaire commence en 1756, quand un des fils Calas, Louis, se convertit au catholicisme.
Sans doute sous l’influence de la pieuse servante Jeanne Viguière.
Ou simplement parce que la vie est plus simple quand on rentre dans le moule !
Sa famille continue néanmoins de pratiquer la foi protestante.
Et si ça fait jaser les voisins, l’histoire ne va pas plus loin.
Puis en 1759, c’est l’autre fils, Marc-Antoine, tout juste reçu bachelier en droit, qui se retrouve devant un choix cornélien.
S’il veut poursuivit ses études et obtenir sa licence, il doit obligatoirement se convertir au catholicisme.
Que faire ?
Et c’est le drame …
Le 13 octobre 1761, un jeune avocat toulousain, Gaubert Lavaisse, reconnaît son ami Marc-Antoine, qui se promène avec son père dans la ville.
Marc-Antoine a toujours son air triste et mélancolique, mais Gaubert est ravi de le revoir.
Jean Calas l’invite donc à dîner le soir même.
Peut-être que ce repas mettra du baume au coeur à son taciturne de fils.
À table, tout le monde semble à l’aise.
Ambiance détendue, RAS.
Puis, avant la fin, Marc-Antoine demande à son père la permission de se retirer.
C’est la dernière fois que la famille le revoit vivant …
Suicide ou meurtre ?
Peu après son départ, Marc-Antoine est retrouvé mort étranglé, au rez-de-chaussée de la demeure familiale.
Les Calas ne savent que penser.
Leur fils a-t-il cédé à ses idées noires ou est-il victime d’un inconnu, qui l’aurait « suicidé » ?
Pour ses parents, l’hypothèse la plus plausible est que Marc-Antoine s’est pendu.
Mais personne ne doit le savoir.
Sous l’Ancien Régime, les suicidés subissent la claie d’infamie, un support sur lequel on déposait le cadavre pour qu’il soit traîné publiquement par des chevaux.
La honte et une vision d’horreur, en plus de la douleur de la perte …
Les Calas font donc croire à un meurtre.
Mauvaise idée.
L’affaire Calas
Les médecins sont appelés au domicile des Calas et détermine la mort par double strangulation.
Le procès
Le corps a été déplacé et les proches ont l’air fébrile, c’est bien suspect !
Une enquête est menée par les capitouls (membres du conseil municipal).
Rapidement, Jean, Anne-Rose et Pierre Calas, Gaubert Lavaisse et Jeanne Viguière sont accusés de meurtre.
Un capitoul est particulièrement convaincu de leur culpabilité, David de Beaudrigue.
Le magistrat écoute les voisins parler de la conversion mal acceptée de Louis et de celle voulue par Marc-Antoine.
Pas de doute, Jean Calas a préféré tuer son fils que de le voir catholique !
Et tant pis si les preuves manquent …
Le 17 octobre 1761, le procureur du roi publie un monitoire à fin de révélations, rendant concluantes de simples rumeurs !
La famille Calas est condamnée le 18 novembre 1761, puis le 9 mars 1762 en appel.

La sentence
Pour la justice, le véritable responsable est Jean Calas, il a donc la pire des peines : la roue.
Mais dans sa grande clémence (!), le juge écourte la durée du supplice à deux petites heures, avant qu’il soit étranglé et jeté au bûcher.
Le lendemain du verdict d’appel, soit le 10 mars 1762, Jean Calas est exécuté sur la place Saint-Georges à Toulouse.
Peu après, Anne-Rose Calas, Gaubert Lavaisse et Jeanne Viguière sont acquittés.
Pierre Calas est banni à perpétuité et ses deux soeurs doivent entrer au couvent.
Voltaire s’en mêle
La famille Calas a toujours plaidé son innocence.
Même Jean, malgré la torture.
Son fils Pierre ne compte pas en rester là, malgré son exil obligatoire.
Il part à Genève rencontrer un certain François-Marie Arouet, dit Voltaire (1694-1778).
Le philosophe a suivi de loin cette affaire judiciaire qui le conforte dans ses idées anticléricales.
Les témoignages le persuadent d’intervenir pour réhabiliter Jean Calas.
Les écrits
Pendant trois ans, Voltaire multiplie les textes et les actions pour mobiliser l’opinion.
Le débat est relancé avec la publication de son Traité sur la tolérance (1763), dont l’incipit est :
« Le meurtre de Calas, commis dans Toulouse avec le glaive de la justice, le 9e mars 1762, est un des plus singuliers événements qui méritent l’attention de notre âge, et de la postérité. »
Le nouveau procès
La notoriété du philosophe permet surtout à la famille Calas d’atteindre le Roi, seul capable de casser la sentence d’un parlement.
Le 7 mars 1763, le Conseil du roi ordonne la révision de l’affaire.
Une nouvelle expertise est alors demandée à Antoine Louis, un chirurgien qui participa à la conception de la guillotine.
Il prouve scientifiquement que Marc-Antoine a bien pu se suicider par pendaison.
En 1764, les arrêts du Parlement de Toulouse sont cassés et en mars 1765, la famille Callas est dédommagée et définitivement réhabilitée.
Quant au capitoul David de Beaudrigue, il fut simplement destitué …
Sources :
Article sur futura-sciences.com
Article sur histoire-image.org
L’Histoire de France pour Les Nuls de