La Reine de la Nouvelle Vague
1 – La Pointe Courte (1955)
En 1940, Agnès (de son vrai prénom, Arlette) Varda (1928-2019) quitte sa Belgique natale. Avec sa famille d’origine grecque, elle part s’installer à Sète.
Pendant les années de guerre, ils vivent dans un bateau, près du quartier de pêcheurs, la Pointe Courte.
C’est le décor de son premier film éponyme, réalisé sans expérience ni argent (11.000 euros de budget), mais comme “on écrit un premier roman, sans savoir s’il sera publié ou non”.
Agnès Varda s’inspire à la fois des commérages du village et des nouvelles de William Faulkner, Les Palmiers sauvages (1939). Ainsi, le film relève du documentaire, racontant la fin d’un couple en crise (joué par Philippe Noiret et Silvia Monfort), mêlé aux problèmes réels du port.
La réalisatrice s’aide d’Alain Resnais pour le montage du film.
Il incite Varda à découvrir les grands classiques et c’est grâce à lui qu’elle devient cinéphile … à 26 ans, pendant qu’elle termine son premier long !
Il lui présente également André Bazin, l’un des fondateurs des Cahiers du cinéma, qui l’aide à s’imposer.
2 – Cléo de 5 à 7 (1962)
Son deuxième film culmine une période importante.
Entre les deux, elle a tourné quelques courts métrages de commande, a eu une fille, Rosalie, avec le comédien Antoine Bourseiller.
Mais surtout, Agnès a rencontré Jacques Demy au Festival de Tours en 1958.
Le réalisateur des Parapluies de Cherbourg (1964) et des Demoiselles de Rochefort (1967) sera son grand amour.
Ensemble, ils auront un fils, Mathieu.
Jacques Demy présente Agnès au célèbre producteur des films de la Nouvelle Vague, Georges de Beauregard.
Elle se lance alors dans la réalisation Cléo de 5 à 7, un film tourné en temps réel.
L’histoire d’une chanteuse (jouée par Corinne Marchand) qui pense être atteinte d’un cancer.
Pendant deux heures, Cléo se promène dans Paris, en attendant de recevoir le diagnostic de l’hôpital.
Les horloges de la ville (chez elle, dans la rue, au café …) ponctuent sa promenade. Elle comprend enfin l’image qu’elle renvoie, celle d’une poupée manipulée par les hommes.
Agnès Varda inclut dans son film un court métrage, dans lequel apparaissent Anna Karina et Jean-Luc Godard … la première fois sans lunettes.
3 – Le bonheur (1965)
Le féminisme est un thème prépondérant dans la filmographie d’Agnès Varda.
Mais elle en avait un concept personnel et s’est souvent confrontée aux militantes radicales.
Le bonheur est son film le plus polémique : l’histoire d’un menuisier qui s’épanouit à la fois dans le mariage et l’adultère. À sa sortie, le public et la presse se scandalisent de cette vision du couple jugée amorale, d’autant plus que l’acteur Jean-Claude Drouot joue la fiction avec sa propre épouse.
Agnès Varda défend l’avortement et la contraception. Cependant, les féministes lui reprochent avec ce film de ne pas assez détester les hommes.
Et sur un plan personnel, de vouloir concilier sa vie artistique et familiale.
Son autre film féministe le plus connu est L’une chante, l’autre pas (1977), qui fait la chronique, entre 1962 et 1976, des droits des femmes en parlant de deux d’entre elles, jouées par Thérèse Liotard et Valérie Mairesse.
4 – Les créatures (1966)
Après leur mariage, Agnès Varda et Jacques Demy achètent un moulin sur l’île de Noirmoutier.
C’est le décor choisi pour le quatrième long métrage de Varda.
L’histoire d’un couple mystérieux (joué par Michel Piccoli et Catherine Deneuve) qui doit affronter un ingénieur misanthrope, responsable de faits étranges.
Bien qu’elle trouvait raté ce film fantastique, Varda était fière d’y avoir inclus une scène d’action, démontrant qu’une femme aussi peut le faire !
5 – Lions Love (… and Lies) (1970)
Pas de Mai 68 pour Agnès Varda puisqu’elle était aux États-Unis, avec Jacques Demy qui préparait Model Shop (1968) avec Columbia Pictures.
Ils séjournent à Los Angeles, où elle réalise Lions Love.
Ce film hippie-hollywoodien est à mi-chemin entre ses deux genres préférés : la fiction et le documentaire.
Varda invente pour le qualifier le terme de “documenteur”.
Au casting, Viva, alors muse d’Andy Warhol, et les deux auteurs de la comédie musicale Hair.
Varda avait d’abord pensé à Jim Morrisson, leader du groupe The Doors, qui resta son ami jusqu’à sa mort.
Elle est d’ailleurs l’une des seules présentes à son enterrement au cimetière du Père-Lachaise.
6 – Jacquot de Nantes (1990)
Les années 80 sont marquées par Sans toit ni loi (1985), avec Sandrine Bonnaire qui campe une jeune sdf retrouvée morte, et deux fictions autour des états d’âme de Jane Birkin.
Mais dans le début des années 90, Agnès Varda décide de rendre hommage à son mari avec deux documentaires et une fiction.
Le film Jacquot de Nantes, qui raconte sa jeunesse dans le garage familial, est l’un des plus émouvants de la réalisatrice.
Elle a décidé de tourner sur les lieux mêmes où vécut la famille Demy, malgré les réticences des nouveaux propriétaires.
Ce qui lui permit de retrouver, par hasard, dans le grenier, les projecteurs fabriqués et des mètres de pellicule filmées par le petit Jacques.
Le tournage prend fin le 17 octobre 1990 et Jacques Demy meurt du VIH le 27.
Agnès Varda décède à son tour le 29 mars 2019, à 90 ans.
Son oeuvre a notamment été récompensée avec un César d’honneur (2001), une Palme d’honneur au Festival de Cannes (2015) et un Oscar d’honneur (2017).