Les mots qui racontent la Première Guerre mondiale

Avant 1914, on les appelait « piou-piou », sans doute pour désigner leur jeunesse. Avec la « Grande Guerre », les simples soldats deviennent les « Poilus », terme déjà utilisé par Balzac.
Ce n’est pas une référence au fait qu’ils ne se rasent pas dans les tranchées, mais davantage pour montrer leur courage viril.
Et du courage, il en faut dans les tranchées …
Aussi de l’humour pour désigner sans trembler les armes qui rappellent combien la mort est proche.
Le vocabulaire militaire des « Poilus »
Lors des « marmitages » ou « arrosages » (bombardements d’artillerie), les projectiles sont appelés : « boîte aux lettres », « Bouillon Kub », « bouteille », « charrette », « dzin-dzin », « enclume », « métro », « mirabelle », « pigeon », « seau à charbon », « tortue », « valise diplomatique » …
Les « chasse-bites » ou « PCDF » (abréviation des « pauvres couillons / cons du front »), c’est-à-dire les fantassins, doivent aussi subir :
- les attaques des aréoplanes de chasse Nieuport à une place : les « bébés »
- celles des aréoplanes Bréguet, appelés « usines à gaz »
- les obus de gros calibres : « gros noirs », « marmites », « macavoué »
- les mitrailleuses : « moulin à café »
- les baïonettes du très peu pratique fusil Lebel : « l’aiguille à tricoter », la « fouchette », le « tourne-broche » ou la « Rosalie » chantée dans « La petite Tonkinoise » : « Rosalie m’fait les doux yeux »
- les balles : les « abeilles »
- le « gaz moutarde », aussi surnommé « Ypérite » pour rappeler le lieu de sa première utilisation (région belge d’Ypres). On s’en protège avec un « museau de cochon ».
- les « trous de loup » : des fosses dissimulées qui fonctionnent comme des pièges, mais dans lesquelles sont plantés des pieus.
- les projectiles de mortier utilisé dans les tranchées : les « crapouillot »
- les grenades allemandes : les « queues de rat » (car elles se terminent par une tige de 40 centimètres environ)
Les nouveaux soldats, « les bleus », risquent davantage d’obtenir une « croix de bois » (mourir au champs d’honneur) que la « banane » (la médaille militaire). Celle-là, elle est réservée aux « légumes » ou « huiles » (les hauts gradés), qui ne sortent pas de la « Traîne-patte » (services de l’arrière).
Les supérieurs hiérarchiques ont des surnoms fleuris : « saindoux », « adjupète », « galonnard », « cabot« , « cabot-trompion », « doublard », « juteux » … Et puis il y a les « pétroleurs », les équipes de sapeurs qui utilisent des liquides enflammés et des lance-flammes.
Les ordres arrivent grâce aux « hurleurs » : des soldats placés tous les 100 mètres qui hurlent les renseignements de l’observatoire, les uns après les autres, jusqu’à ce qu’ils arrivent à la batterie.
Dans le « No man’s land » (la zone dévastée à l’avant des tranchées), pas de « ciblots » (les civils), mais des Poilus qui ont franchi les « séchoirs » (les barbelés).
Le quotidien des tranchées
Dans les tranchées, qui sont sensées protéger les Poilus, le manque de confort est un euphémisme.
Les nuisibles et parasites envahissent chaque « gourbi » ou « cagna » (mot d’origine indochinoise qui désigne les abris, souvent en secondes lignes).
Les « Gaspard » (les rats, d’après le patois lyonnais), les « totos » (poux et puces) …
Les soldats s’alimentent du « rata » que fournit l’armée. Dans « l’auge » (la gamelle), un ragoût à base de « musiciens » (les haricots secs qui se digèrent mal !) ou de « singe » (viande en boîte de conserve).
Côté vêtements, c’est « l’azor » ou le « barda » (l’équipement porté à dos par le soldat en campagne). La « limace » (la chemise si dure qu’elle râpe comme une lime), les « escarpins » (brodequins) et si tout va bien, une « berlue » (couverture).
On passe le temps en écrivant une « babillarde » ou « bafouille » (lettre) en fumant le « gros cul » (tabac à pipe).
Et on évite « l’obusite » (le stress post-traumatique du bombardement) grâce à l’alcool, ce compagnon d’infortune. L’eau-de vie (la « gnôle », le « tord-boyaux »), la « bibine » (mauvaise bière) ou le vin rouge (le « pinard », « l’antidérapant », le « pousse-au-crime » quand sa qualité est médiocre) que souvent l’on « baptise »(rajouter de l’eau) pour en boire des « kilos » (litres).
Tout pour éviter la « boîte à dominos » (le cercueil) …
