« Galileo Figaro »

Freddie Mercury était fou d’opéra.
Une passion qui se concrétise dans une de ses chansons, qui mêle pop à des soupçons hard-rock.
Dans « Bohemian Rhapsody », TOUT est opéra.
Un opéra dès le titre !
Selon Brian May, le guitariste de Queen, le titre « Bohemian Rhapsody » ne s’est pas imposé immédiatement.
Les premières bandes enregistrées étaient simplement étiquetées « Fred’s thing » (« le truc de Fred »).
Car Mercury a développé longtemps et méticuleusement son projet personnel avant de le présenter au groupe.
Le mot « rhapsodie » se traduit littéralement du grec ancien « couture de chants ».
Cette forme musicale, très populaire au XIXème, pendant le courant romantique, est caractérisée par une certaine folie.
En quelque sorte, il s’agit d’une structure sans structures, un assemblage éclectique.
Un format hors norme que l’on retrouve tout à fait dans la création de Freddie Mercury où hard rock, pop et opéra se mêle.
Mais ce dernier style l’emporte et s’impose grâce à l’adjectif « bohemian ».
Les « bohémiens » décrivent des êtres incompris, ne se pliant pas aux règles de la société.
C’est pourquoi ils attirent le regard des artistes, depuis Victor Hugo et son Esmeralda, jusqu’à l’histoire d’un peintre sans le sou décrit par Aznavour.
Mais avant tout, la Bohême est une région historique d’Europe Centrale, dans l’actuelle République tchèque.
C’est le lieu choisi par Goethe (1749-1832) pour situer l’action de sa pièce, Faust (1808), et de l’opéra qui en découle, composé par Charles Gounod.
Et en effet, « Bohemian Rhapsody » est une version contemporaine du mythe de Faust : le pacte avec le diable.
Les 6 actes de « Bohemian Rhapsody »
Le morceau se compose de six sections distinctes, mélangeant des styles qui rappellent d’autres chansons de Queen : My Fairy King, Liar ou The March of the Black Queen.
Introduction (0:00-0:49)
Le premier acte se chante a cappella.
Le narrateur, un pauvre garçon blasé de tout, est comme au-dessus de la réalité.
Il introduit, avec une sagesse quasi divine, le récit de sa vie, annoncé par les arpèges du piano.

Ballade (0:49-2:41)
C’est le solo de Freddie Mercury qui a d’abord rassuré ses producteurs !


Solo de guitare (2:41-3:03)
Le solo de Brian May fait gagner la musique en intensité.
Il sert de pont entre la ballade et l’opéra, mais surtout il évoque les pleurs de la mère qui apprend la mort de son fils.
Opéra (3:03-4:07)
La partie la plus difficile à réaliser. Il fallut à l’équipe trois semaines d’enregistrement et 180 prises son !
Soit l’équivalent à l’enregistrement d’un album entier en 1975 pour une seule minute de lyrique !
Quant à la partie narrative, cet acte décrit la descente aux enfers de l’assassin, sa mère qui implore son salut, et la dispute des anges contre les démons qui réclament son âme. Très théâtral, dans la lignée du Don Giovanni (1787) de Mozart.

Hard rock (4:07-4:56)
L’interlude hard rock agressif, au riff de guitare composé par Freddie Mercury, représente la voix du diable qui revendique son emprise et l’âme d’assassin promise.

Outro (4:56-5:55)
Retour aux déclarations du narrateur et à la forme musicale initiale.
La guitare est jouée sur l’ampli Deacy Amp, créé par John Deacon.

Un sens caché ?
Tous les critiques et spécialistes de Queen ne s’accordent pas sur le parallèle entre Faust et « Bohemian Rhapsody ».
Même si cette lecture du morceau est la plus répandue et acceptée, d’autres explications circulent.
Certains ont plutôt vu dans les paroles des références au roman d’Albert Camus, L’Étranger (1942).
Notamment avec le meurtre par Meursault et l’importance de la mère
(rappelons l’un des plus célèbres incipit français : « Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. »).
Selon un ancien collaborateur du groupe, Tim Rice, et son dernier compagnon, Jim Hutton, Freddie Mercury parlait de son homosexualité.
« Bohemian Rhapsody » serait son coming-out musical.
Freddie Mercury n’a jamais dévoilé la source exacte de son inspiration, préférant que chacun puisse interpréter ses créations.
Ce qui est certain, et confirmé par les autres membres de Queen, c’est l’importance de « Bohemian Rhapsody » pour son auteur.
« « Bohemian Rhapsody » n’est pas simplement venue de nulle part.
J’ai fait quelque chose d’un peu recherché, bien que ça ait un côté irrévérencieux et opéra de pacotille.
Pourquoi pas ? »