L’esclave qui libéra 300 esclaves

On la surnomma « la Moïse Noire » et fut pressentie pour être la première Afro-Américaine à figurer sur un dollar (avant que Donald Trump ne change d’avis).
Retour sur le parcours exceptionnel d’une femme exceptionnelle : Harriet Tubman.
Une enfance difficile
Harriet Tubman s’appelle d’abord Araminta « Minty » Ross.
Elle naît vers 1822 dans une grande plantation du Maryland, où ses parents, sans doute originaires de l’actuel Ghana, sont esclaves.
Le même sort est réservé à leurs neuf enfants.
Minty n’est encore qu’une petite fille quand ses trois sœurs aînées sont vendues (elle ne les reverra plus jamais).
Elle est elle-même « louée » à une autre famille en tant que nounou, à tout juste 5 ans. Son jeune âge ne lui épargne pas les pires sévices.
La prise de conscience
Deux événements marquent son adolescence et détermine ce que sera sa vie d’adulte.
D’abord, elle voit comment sa mère ose affronter un commerçant qui voulait acheter son plus jeune fils.
Un premier acte de résistance que Minty n’oubliera jamais.
Puis, elle reçoit violemment sur la tête un poids destiné à un autre esclave. En sang et inconsciente, elle est renvoyée à la plantation où elle ne reçoit aucun soin pendant deux jours. L’accident lui provoque des crises d’épilepsie dont elle souffrira toute sa vie, mais également des visions qu’elle interprète comme divines.

La fuite
Autour de 1844, Minty épouse John Tubman, un homme libre, et décide de porte le prénom de sa mère, Harriet.
Cinq ans plus tard, elle tombe malade, la mettant au risque d’être revendue, loin de son mari et sa famille. Elle décide donc de s’échapper.
La première tentative avec ses frères échoue, ceux-ci rebroussant chemin par peur d’une vie d’exil.
Mais Harriet n’abandonne pas et se fait aider par l’Underground Railroad.
L’Underground Railroad
(Chemin de fer clandestin)
Ce réseau d’évasion, formé de quakers et autres abolitionnistes, utilisaient la terminologie du récent chemin de fer pour évoquer leurs missions.
Par exemple, les lieux de repos dans le trajet étaient des « stations » dirigés par des « chefs de gare ».
Les esclaves utilisaient également des références bibliques pour parler de leur future fuite. Comme Moïse, ils traverseraient le Jourdain (le Mississippi) pour obtenir la « Terre Promise » (le Canada).
Une thématique que l’on retrouve par exemple, dans le gospel qui date de 1862, Swing low, sweet chariot.
Grâce à cette organisation, Harriet Tubman atteint la Pennsylvanie, premier état américain ayant aboli l’esclavage.
« Quand je découvris que j’avais franchi cette ligne,
je regardai mes mains pour voir si j’étais la même personne. »
Passeuse d’esclaves
Alors qu’une nouvelle vie de liberté s’offre à Harriet, elle ne s’en contente pas. Elle rentre souvent au Maryland pour aider d’autres esclaves à s’échapper vers le Canada. Au risque de sa vie, puisqu’en 1850, les États-Unis ont adopté le Fugitive Slave Act, qui oblige la capture des esclaves fugitifs.
Harriet Tubman réussit à sauver 300 esclaves dont une grande partie de sa famille …
Mais pas son mari (remarié à une autre) qui refuse de l’accompagner.
Espionne et militante
Dès le début de la guerre de Sécession en 1861, Tubman aide activement l’Union.
Elle travaille d’abord comme cuisinière et infirmière, soignant des soldats nordistes atteints de dysenterie et variole. Puis elle prend la tête d’un groupe d’espions et guide activement les troupes lors des assauts.
Après la guerre, Harriet Tubman s’engage pour les droits des Afro-Américains. Elle participe également aux conférences en faveur du suffrage féminin à New York, Boston et Washington.
Harriet Tubman, oubliée puis inoubliable
Malgré son passé militaire, Harriet Tubman n’obtient une pension que trente ans après son engagement.
Elle vit dans une grande précarité, dont elle sort en 1869, grâce à Sarah Bradford qui écrit et fait publier sa biographie (Scenes in the Life of Harriet Tubman).
La même année Harriet Tubman épouse Nelson Davis, un autre vétéran de la Guerre de Sécession, de 22 ans son cadet.
Souffrant d’arthrite, elle passe la fin de sa vie dans un hospice pour Afro-Américains qu’elle a contribué à fonder.
En 1913, elle y meurt et reçoit les honneurs militaires lors de son enterrement.
Aux États-Unis, Harriet Tubman est honorée chaque 10 mars, jour de sa mort.
