Pretty Woman à Byzance
L’histoire d’amour entre Justinien et Théodora est racontée par Procope de Césarée (vers 500-565), dans L’Histoire secrète.
Un récit qui manque sans doute d’objectivité mais qui pourrait bien inspirer Hollywood !
Théodora, la déterminée
Enfant de la balle …
500, Constantinople.
Théodora voit le jour dans l’Empire byzantin.
Sa famille frôle la misère, les parents ont déjà deux filles mais qu’un seul salaire.
Celui du père, puis du beau-père : gardien des ours, une des attractions du célèbre hippodrome de la ville.
Grâce à ce travail, la jeune Théodora accède aux coulisses du showbiz de l’époque !
Elle grandit entre les fauves, les courses de chars et les perroquets d’Orient, et participe même à des numéros d’acrobate.
Les choses se gâtent rapidement.
Le gardien des ours dépend du bon vouloir du parti qui le nomme et les Verts remplacent le beau-père de Théodora par un autre pistonné.
La famille est aux abois. Alors la mère ose tout.
Elle traîne ses filles devant un hippodrome bondé et elles supplient les Verts. Peine perdue.
Heureusement, la faction ennemie, les Bleus orthodoxes, leur concède un poste.
Cet évènement reste gravé dans la mémoire de Théodora, qui devient farouchement anti-Verts.
… Fleur de trottoir …
La situation de famille ne s’améliore pas, il faut trouver une autre source de revenus.
Théodora et sa soeur Comito se lancent au théâtre.
L’adolescente devient alors actrice, mais de second plan, dans des rôles avec peu de dialogues.
En attendant le succès, il faut bien manger.
Alors Théodora use de sa beauté pour s’attirer les bonnes grâces du public.
Elle danse pratiquement nue et fait le mime dans des spectacles burlesques à forte charge érotique.
Les admirateurs se multiplient, ainsi que ses « protecteurs », pour dire les choses élégamment !
Elle a une fille d’un de ses amants, qu’elle donne en adoption.
… Femme ambicieuse
À 16 ans, Théodora devient la maîtresse d’un haut fonctionnaire syrien.
Voulant améliorer sa condition par le mariage, elle le suit dans ses déplacements et s’intéresse à la politique.
Mais au bout de quatre ans, il la chasse.
Théodora intègre alors une communauté monophysite.
Elle y apprend à lire, écrire et reçoit un enseignement religieux et philosophique.
Car Théodora a pris goût aux hautes sphères et sait bien que sa beauté ne sera pas suffisante pour y accéder.

Justinien, l’homme qui tombe à pic
La rencontre …
Théodora compte revenir à Constantinople, mais fait une halte à Antioche.
Grâce à l’appui des Bleus, elle y rencontre Macedonia.
Cette ancienne danseuse travaille surtout comme informatrice pour le consul Justinien (482-565), neveu de l’empereur Justin Ier.
Ainsi, grâce à cette amie commune, Théodora le rencontre en 522, lorsqu’elle regagne la capitale.
Elle a 22 ans, lui 40.
Elle a la beauté, lui l’esprit.
Elle vient de la rue, lui … aussi ! Car les origines de sa famille sont également modestes.
Bref, ce qui devait arriver, arriva.
C’était couru d’avance, merci Macedonia !
… Et le reste !
Ce qui est moins évident, c’est que Justinien finisse par l’épouser.
C’est pourtant ce qu’il fait.
Théodora est devenue une alliée de poids pour l’homme politique.
Plus qu’amants, le couple devient une équipe, au grand dam de l’entourage impérial.
La fille de la rue a pourtant su charmer l’empereur Justin, fatigué de sa cour d’arrivistes.
Le vieil homme abroge pour elle la loi interdisant aux sénateurs d’épouser des courtisanes.
Théodora et Justinien se marient en 523.
L’empereur et l’Augusta
À la mort de Justin Ier en 527, c’est son protégé, Justinien, qui devient empereur.
Et chose rare, Théodora l’accompagne lors du couronnement, obtenant le titre d’Augusta.

Le couple règne ensemble sur la partie orientale de l’ancien Empire romain, disparu en 476.
Loin d’être une souveraine potiche, Théodora joue un rôle politique certain.
Notamment, en 532, lors de la sédition Nika, menée par les factions ennemies, Verte et Bleue, qui, pour une fois, s’unissent contre le pouvoir.
Alors que Justinien veut déserter, sa femme, frondeuse, l’oblige à contre-attaquer.
30.000 morts plus tard, la rébellion est matée.
Théodora a aussi participé à l’élaboration du code justinien.
« L’empereur qui ne dort jamais », qui rêve de ressuciter l’Empire romain, veut unifier ses territoires fraîchement convertis au christianisme.
Il fait mettre à jour toutes les lois romaines, qu’il regroupe en 4700 articles.
Théodora, qui n’a pas oublié ses origines, influence les modifications concernant le droit des femmes, des enfant naturels et des prostituées.
L’impératrice meurt en 548, sans doute des suites d’un cancer du sein.
Justinien la suit dans la tombe 17 ans plus tard.
Lui succède son neveu Justin II, marié à Sophie, fille de Comito, et donc nièce de Théodora.
Un Pretty Woman pour deux générations …
comment puis-je connaitre le nom de lé,auteur de cet article
Sauf mention contraire, j’écris tous les articles du site ! Séverine
Bonjour.
Bel article. Bien raconté et bien illustré :).
Avez-vous également lu l’article Wikipédia sur Théodora qui fait la synthèse de plusieurs ouvrages d’historiens sur Théodora, dont celui de Virginie Girod ? Si oui, l’avez-vu utilisé ?
Je vous remercie par avance.
Merci pour votre commentaire. J’ai cité le livre « Théodora, prostituée et impératrice de Byzance », de Virginie Girod, en fin d’article pour plus d’informations. Mais je n’ai utilisé que ses bonnes feuilles citées sur le net, je ne l’ai pas encore lu. Je vous recommande par contre le roman de Michel de Grèce, « Le Palais des larmes », que j’ai beaucoup aimé. Séverine (la rédac’)
Merci pour votre réponse rapide :). Effectivement elle a donné plusieurs interviews très intéressantes suite à la parution de son ouvrage. Je posais la question car j’ai utilisé son livre dans le cadre de la rédaction de la page Wikipédia, donc je vous le conseille. Même si Virginie Girod n’est pas une byzantiniste, elle offre un regard extérieur assez intéressant, en traçant des parallèles entre la société byzantine et celle de l’Antiquité romaine. L’ensemble est très agréable à lire.
Merci du conseil. Je vais essayer de me procurer le roman de Michel de Grèce. Ce sera un plaisir de me replonger dans l’univers de Byzance que je trouve fascinant.
Bonne continuation :).
Merci 🙂 Et bravo pour la rédaction de la page Wikipédia, c’est magistral ! N’hésitez pas à me recontacter pour une collaboration sur le site 😉