De Les Nuls (et c’est comme ça qu’on dit !)

Alain Chabat, Chantal Lauby, Dominique Farrugia et Bruno Carette.
Une bande de copains qui, dans les années 80, a fait les belles soirées en clair de Canal+.
Malheureusement, la décennie suivante s’amorce avec le décès de Bruno.
Le trio démotivé s’épuise à préparer des quotidiennes télé très denses.
Il se tourne alors vers le cinéma, avec un complice de toujours, le réalisateur Alain Berbérian.
Et le 9 mars 1994, sort La Cité de la Peur.
Retour sur les anecdotes qui expliquent pourquoi ce film est devenu culte.
1 – Personne n’y croyait, le public l’a fait !
Quand Les Nuls lancent leur projet, ce sont de vrais stars du petit écran.
Mais ce succès populaire n’impressionne pas les producteurs de cinéma … Eux font de l’art, du vrai !
Le trio sollicite d’abord le réalisateur Claude Berry, qui refuse à cause du scénario « un peu débile ».
Alors, c’est leur copain Alain Berbérian, déjà aux manettes des parodies télévisuelles, qui s’y colle.
En 2011, il se souvient pour Nice Matin :
« Les gens de la profession nous prenaient pour des ringards parce qu’on venait de la télé, mais dès la sortie du film, les salles étaient pleines. Ce sont surtout les jeunes de 15 à 20 ans, qui ont fait le succès de ce film. »
2,2 millions d’entrées tout de même … Pour des Nuls, c’est pas mal !
2 – Red is dead … mais à l’écran !
La Cité de la Peur s’ouvre sur un extrait du faux-film Red is dead, dont tout le scénario dépend.
Mais cette parodie de film B agace (encore) les producteurs.
Alain Berbérian évite que Les Nuls ne l’enlèvent de la version finale.
« Si vous pensez que vous avez raison, battez-vous, et n’écoutez pas les autres. »
Sage conseil.
Après l’avant-première, les producteurs doivent admettre que « tout le monde éclatait de rire ».
3 – Des références pas si nulles
Car contrairement à ce que la profession craignait, La Cité de la Peur est fait par des cinéphiles.
Le film multiplie les références pointues.
Quelques exemples.
Les gags visuels s’apparentent à Hamburger Film Sandwich (John Landis, 1977) écrit par le trio ZAZ (Zucker – Abrahams – Zucker) à qui l’on doit les délirants Y a-t-il … un pilote dans l’avion / un flic pour sauver la reine …, ancêtres des Scary Movie.

D’ailleurs, « La Carioca« est une reprise de la chanson qui ouvre ce film, elle-même inspirée d’un numéro de Fred Astaire et Ginger Rogers dans Carioca (Thornton Freeland, 1933).
Sans oublier les parodies plus évidentes.
Celle de la séquence shopping dans Pretty Woman (Garry Marshall, 1990). Ou l’interrogatoire de Chantal Lauby qui reprend plan par plan (ou presque) celui de Basic Instinct (Paul Verhoeven, 1992).

4 – Cannes hors-saison
Pour parler cinéma, rien de mieux que sa capitale : Cannes, en plein festival … Sauf que la grande majorité du film est tournée à Paris !
Pour les quelques scènes de Cannes, elles sont mises en boîte en juillet 1993, plusieurs semaines après les festivités !
Faute de vrai public, il a fallu engager plus de 800 figurants et faire appel à quelques potes célèbres.
Entre autres, les réalisateurs Michel Hazanavicius et James Cameron, l’actrice Rosanna Arquette et Pierre Lescure, directeur de Canal+ de l’époque.

5 – Un générique décalé
La Cité de la Peur a de nombreux autres caméos que Les Nuls citent à leur façon.
Jean-Pierre Bacri, Eddy Mitchell, Daniel Gélin et Tchéky Karyo jouent les projectionnistes assassinés.
Logiquement, ils sont cités au générique comme ceux « qui ont accepté de mourir pour le film ».
À leurs côtés (du moins dans la liste) : Peter Parker et Bruce Wayne, les noms de Spiderman et Batman.
Même les acteurs « absents » sont cités :
– « Gérard Lanvin, coupé au tendon » dont la participation fut annulée à cause d’une réelle blessure
– et un certain « Tom Crouze » coupé au montage !
6 – Valérie Lemercier … ou pas !
Et puis il y a Valérie Lemercier, dans un rôle de veuve qui met seize sucres dans une très grande tasse …
Sauf que l’actrice raconta en 2013 à Allociné :
« J’ai eu un petit coup de mou pendant le tournage (…) J’ai oublié pour la première fois de ma carrière d’aller tourner ! Ma petite sœur était scripte stagiaire sur le film, et du coup, elle m’a remplacée. Pierre Lescure est passé sur le tournage et disait : « Mais, quoi ? Vous avez Valérie Lemercier dans le film et vous ne faites pas de gros plan ? » Alors ils lui ont expliqué. Mais il y a seulement un plan où c’est ma sœur. »
Heureusement, c’est à s’y méprendre !
7 – La caméra cachée de Dave
Le chanteur de « Vanina » est en pleine traversée du désert quand on lui propose un caméo dans La Cité de la Peur.
« Je me demandais si ce n’était pas une blague pour l’émission Surprise sur prise ! Chabat m’appelle et me propose 10 000 francs pour venir tourner. Bon, j’accepte pour l’argent (…) mais je n’y crois pas, à cette histoire de film. On m’envoie le billet aller-retour pour Paris/Nice, et quand j’arrive à Nice, une limousine m’amène à l’hôtel Martinez.
Je me dis : “Dites donc, ils ont du blé Surprise sur prise !”
Je n’avais participé à aucune émission des Nuls, je ne le connaissais pas. »
Une très brève apparition (pour dire « Non ») qui a contribué à relancer sa carrière. Merci Alain Chabat !
8 – Chronique d’une mort annoncée
En plus de jouer le serial killer du film Red is dead, Alain Chabat interprète Serge Karamazov.
Une référence au roman Les frères Karamazov (1879) de Dostoïevski (d’où sa réplique récurrente « Aucun lien, je suis fils unique ») qui parle d‘un parricide.
Quant à Odile Deray, le personnage de Chantal Lauby, c’est une référence à Gilles de Rais, jugé en 1440 pour le « meurtre de 140 enfants ou plus », et qui inspira le conte de Barbe Bleue.
Autre clin d’oeil morbide : chaque projectionniste évoque sa mort juste avant qu’elle n’arrive. Comme « C’était mortel aujourd’hui ! » (Eddy Mitchell) ou « Oh, je vais mourir dans deux minutes ! » (Jean-Pierre Bacri).
9 – Le pari de Gérard Darmon
La Cité de la Peur est donné des répliques et scènes cultes.
Et Darmon ne peut plus faire un pas sans qu’on lui parle de « La Carioca » !
Au point d’avoir parier avec Maurice Barthélémy, qui le faisait jouer dans son film Low Cost (2011), un dîner payé pour chaque danse réclamée pendant leur promo.
Quand Darmon a raconté l’anecdote, il en était déjà à son sixième dîner !
Et en 2019, pour fêter les 25 ans de la sortie du film, devinez quelle scène ont rejouée Chabat et Darmon ?!
10 – Bruno Carette forever !
Or, si son rôle semble désormais évident, Gérard Darmon a failli ne pas jouer le commissaire Bialès, puisque le rôle devait être joué par le regretté quatrième Nul, Bruno Carette.
Ses amis l’ont néanmoins fait apparaître de façon posthume, en intégrant une séquence enregistrée à leur époque Nulle part ailleurs.
Bruno Carette est grimé en Misou-Mizou, un de ses personnages emblématiques.

En Bref !
Comédie écrite par Les Nuls et réalisée par Alain Berbérian
Sortie : 1994
Avec Alain Chabat, Chantal Lauby, Dominique Farrugia …
De quoi ça parle ?
L’attachée de presse Odile Deray (Lauby) tente désespérément de vendre le film Red is Dead au festival de Cannes.
Mais ce navet sanglant n’intéresse personne …
Jusqu’à ce que ses projectionnistes soient assassinés les uns après les autres.
Flairant le coup de pub, Odile Deray invite sur la Croisette Simon Jérémi (Farrugia), l’acteur principal de Red is Dead, protégé par le garde du corps, Serge Karamazov (Chabat).
Pendant ce temps, le commissaire Bialès (Darmon) enquête …
Comment ça finit ?
Petit spoiler : après de nombreux (et loufoques) rebondissements, l’assassin est découvert.
On vous épargne son nom (même si ce n’est vraiment pas l’intérêt du film !)