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« La Petite fille au ruban bleu », Renoir et l’antisémitisme

    La triste histoire derrière ce ravissant visage

    La Petite Fille au Ruban bleu

    En 1880, Auguste Renoir, célèbre impressionniste, peint une toile de 65 x 54 cm, aujourd’hui considérée comme un chef d’oeuvre.
    Le portrait d’une petite fille de 8 ans, longtemps passé inaperçu, jusqu’à ce que les Nazis s’en emparent …

    Une douloureuse création

    La chance de Renoir

    En 1880, Auguste Renoir est en pleine misère.
    Malgré le succès des Expositions des impressionnistes à Paris en 1874, puis 1878, et la vente de son célèbre Bal du Moulin de la Galette, le peintre est en perte de vitesse.
    Ses tableaux se vendent mal et les critiques sont mauvaises. 

    Pour survivre, Renoir délaisse l’impressionnisme et accepte des commandes de portraits prestigieux, au grand dam de son ami Edgar Degas.
    Parmi ses clients, Louis Cahen d’Anvers (1837-1922), qui veut un portrait de chacune de ses trois filles et s’est laissé convaincre par un ami d’engager Renoir.

    Pour l’artiste, la pression est grande.
    L’oeuvre doit absolument plaire, s’il veut gagner les faveurs de cette influente famille, d’origine juive allemande, anobli après avoir fait fortune dans la finance.
    Rendez-vous est donc pris pour peindre la fille aînée, Irène (1872-1963).

    Une déception mutuelle

    Dans La Petite Fille au Ruban Bleu (Ou La Petite Irène), Auguste Renoir allie impressionnisme (les feuilles de l’arrière-plan, la chevelure fluide ou la robe raffinée) et réalisme (le visage aux contours précis ou le regard mélancolique).
    Une façon de valoriser la petite fille de huit ans et presque de donner vie à son image. 
    Pourtant, il n’a pas aimé le réaliser …

    Ce qui explique sans doute pourquoi le portrait ne plaît pas.
    Les Cahen d’Anvers sont déçus du résultat.
    Au point de ne pas l’accrocher au mur, mais de le poser dans les communs puis dans un placard !

    Une réaction qui rend furieux Renoir, d’autant plus humilié que la somme reçue pour son travail (1500 francs) est inférieure à celle qu’il espérait. 
    Le peintre, ouvertement antisémitisme et antidreyfusard, réagit violemment et écrit à un ami :
    “Rien d’étonnant à cette pingrerie. Les Cahen d’Anvers sont juifs.”

    Malgré tout, les Cahen tiennent parole et commandent l’année suivante le portrait de leurs deux cadettes, Élisabeth et Alice.
    Elles sont représentées dans Les Demoiselles Cahen d’Anvers (Rose et Bleu)

    Une oeuvre convoitée par les Nazis

    Le temps passe et Irène Cahen d’Anvers grandit.
    En 1891, elle épouse le riche banquier Moïse de Camondo (1860-1935), dont elle a deux enfants, Nissim et Béatrice.
    C’est cette dernière qui, en 1910, reçoit en cadeau le tableau de Renoir tant détesté par sa mère.

    Les années s’écoulent à nouveau, marquées par le scandaleux (pour l’époque) divorce d’Irène, qui se convertit au catholicisme avant de se remarier, et la mort de Nissim, devenu lieutenant et abattu lors d’une mission en 1917. 

    Et puis la Seconde Guerre mondiale éclate et les Nazis occupent la France.
    Rapidement, le bras droit d’Hitler et amateur d’art, Göring, profite du Raubkunst, la spoliation organisée des biens juifs.
    En 1941, il vole La Petite Fille au Ruban Bleu qu’il troque, avec trois autres tableaux, contre une toile de Guillermo del Pacchia.
    Le “Renoir” appartient alors à Emil Georg Bührle, un fabriquant d’armes suisse, d’origine allemande, qui collabore avec la Wehrmacht. 

    Un tableau maudit ?

    Pendant l’Occupation, les rafles se multiplient à Paris.
    Mais la famille d’Irène se croit protégée par sa nationalité et sa récente conversion au catholicisme.

    Béatrice continue ouvertement ses mondanités, n’hésitant pas à battre un officier nazi lors d’un concours hippique.
    Son mari, Léon Reinach, se débat même auprès des autorités pour récupérer le portrait volé. 

    La Petite fille au Ruban bleu

    Une insistance et une insouciance qui perdent le couple.
    En 1943, Béatrice, Léon et leurs deux enfants, Fanny et Bertrand, sont internés au camp de Drancy, puis à Auschwitz
    Aucun n’en revient. 

    À la Libération, Irène, protégée par son second mariage, sa conversion plus ancienne et sa discrétion, apprend la mort de la majorité de sa famille.
    Pendant que les services de récupération des armées alliées retrouvent son portrait au château de Hohenschwangau, où vécut Louis II de Bavière.

    En 1946, La Petite Fille au Ruban Bleu est alors montrée au musée de l’Orangerie pour l’exposition “Chefs-d’œuvre des collections françaises retrouvées en Allemagne”
    66 ans après en avoir été le modèle, Irène y reconnaît le tableau de Renoir et obtient sa restitution, en tant que seule héritière de sa fille.

    Pourtant, la peinture, qui ne lui plaisait déjà pas dans son enfance, lui devient insupportable.
    En 1946, elle le cède à un galeriste … qui le revend, cette fois légalement, à Emil Georg Bührle.

    La Petite Fille au Ruban Bleu est aujourd’hui exposée à la Fondation Bührle à Zurich. 

    1 commentaire pour “« La Petite fille au ruban bleu », Renoir et l’antisémitisme”

    1. Ce tableau m’a toujours fasciné. Enfin quand je le regardais dans le livre chez ma mère. Il y avait quelque chose que je n’arrivais pas à comprendre dans le regard de la petite fille. Je me souviens quand les premières imprimante couleur sont arrivés dans les années 90′ d’avoir pu en accrocher un dans ma chambre.

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