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Comment avoir toujours raison grâce à Schopenhauer

    Même quand on ne l’a pas !

    schopenhauer

    D’après Descartes, la raison est la chose la mieux partagée au monde : tout le monde croit l’avoir !

    Évidemment, puisque gagner un débat n’est pas forcément affaire de logique (le fond), mais de dialectique (la forme).
    C’est ce qu’explique le philosophe allemand Arthur Schopenhauer (1788-1860) dans son livre L’Art d’avoir toujours raison. 

    On vous résume ses 38 stratagèmes afin d’éviter les manipulateurs … ou d’en devenir un soi-même !

    (Les numéros entre parenthèses correspondent à la liste de Schopenhauer.)

    Être volontairement à côté de la plaque !

    L’idée est de ne pas argumenter sur le fond (en réfutant point par point l’opinion de l’adversaire), mais de se concentrer sur les détails.
    En gros chercher la petite bête et la transformer en dinosaure !

    Pour ce faire, plusieurs stratagèmes :

    • Étendre l’argument de l’adversaire.
      Soit l’exagérer, ce qui nous permet d’avoir plus de matière à attaquer ! (nº1)
      Soit faire d’un point précis une généralité (nº3) plus facile à démonter avec des exceptions (nº25).
      Et ça fait oublier les détails (nº19).
    • Se défendre en coupant les cheveux en quatre (nº17)
      Quand l’adversaire démontre que nous avons tort, nous pouvons donner aux détails de notre argumentation une importance démesurée.
      Ça noie le poisson !
    • Utiliser des arguments absurdes (nº15) 
      Attention, « absurde » ne veut pas dire « crétin ».
      L’argument doit flirter avec le possible, de façon à continuer le débat (même si son socle est bancal !).
      Ainsi, si l’adversaire comprend le stratagème, il est toujours possible de répondre : « c’est fait exprès » !

    Poker Face !

    Schopenhauer décrit la dialectique comme une partie d’escrime mentale.

    Mais c’est davantage du poker puisqu’il faut cacher son jeu (nº4).
    La méthode : distiller les arguments « l’air de rien », afin que l’adversaire approuve notre raisonnement au fur et à mesure.
    Et vlan !
    Sans s’en apercevoir, on montre où l’on veut en venir et l’autre est bien obligé d’accepter notre conclusion, même s’il n’est pas du tout d’accord !

    Une autre façon d’arriver à la victoire sans rien montrer : poser des questions dans un autre ordre (nº9).
    Normalement, un questionnement suit un ordre logique afin d’obtenir une conclusion évidente.
    Mais si le cheminement est aléatoire, l’adversaire perd plus facilement le fil …
    Et on peut gagner sur un malentendu !

    schopenhauer

    Tel est pris qui croyait prendre

    La meilleure façon de faire douter l’adversaire est de retourner son argumentation contre lui-même.
    Si l’occasion se présente, il ne faut pas hésiter à le faire de façon franche (nº26).

    A – « Ce n’est qu’un enfant, il faut être indulgent. »
    B – « C’est justement parce que c’est un enfant qu’il faut le punir, ou il gardera de mauvaises habitudes. »

    Exemple de Schopenhauer

    Il existe d’autres stratagèmes plus détournés.

    • Déformer la thèse de l’adversaire avant même qu’il ait pu la démontrer (nº6).
    • Faire croire à un consensus par des questions (nº7).
      Par statistiques, en posant un tas de questions, vous finirez bien par obtenir un « oui, c’est vrai ».
      Ça donne l’impression d’un status quo, le flot d’informations trouble l’adversaire et ça cache les à-peu-près.

    En fait, poser des questions est une technique de manipulation qui fonctionne à tous les coups.

    • Lorsque l’adversaire répond « oui » à un point précis, on peut alors en tirer une conclusion globale.
      L’adversaire ne saura plus s’il a approuvé le cas précis ou la généralité qui en découle. (nº11)
    • Et si l’adversaire répond « non » à une question, on peut l’interroger sur le contraire de notre argument.
      Logiquement, puisqu’il s’agit du contraire, il osera dire « oui », pensant gagner.
      Mais en fait, cette affirmation donne l’impression que l’on a tellement raison que même notre adversaire doit l’admettre (nº10).

    Dans le même genre, on peut donner le choix, entre notre point de vue et un autre totalement exagéré ou improbable.
    L’adversaire sera obligé de nous donner raison à moins de passer pour déraisonnable (nº13).

    On peut également pousser notre opposant à l’exagération (nº23).
    Et c’est assez facile à obtenir quand on est énervés !

    Jouer avec les mots

    Les mots ont un pouvoir de persuasion que l’on sous-estime.
    Mais les politiques et les avocats le connaissent bien !
    Par exemple, François Hollande a répété l’anaphore « Moi, président de la République » pour que le public l’imagine plus facilement dans la fonction.

    Quand on veut gagner une controverse, savoir manipuler les mots est capital.

    En focalisant sur un terme sans intérêt pour l’adversaire ou en jouant sur ses différents sens (nº2).

    A : « Vous n’êtes pas encore initié aux mystères de la philosophie de Kant. »
    B : « Ah, mais s’il s’agit de mystères, cela ne m’intéresse pas ! »

    Exemple de Schopenhauer

    Ou en choisissant des mots suivant leur connotation (nº12).

    Pour parler d’un « changement », on peut dire qu’il s’agit d’une « innovation » si on est pour ou d’une « altération » si on est contre.

    Exemple de Schopenhauer

    Mentir sans vergogne

    Quand on veut gagner à tout prix, on ose tout.
    Car la dialectique ne veut pas établir la vérité, mais avoir raison !

    • User de faux (nº5) ou de mauvais (nº21) arguments
    • Clamer « Victoire » même quand on perd (nº14)
    • Tirer rapidement des conclusions prématurées (nº20) ou carrément fausses (nº24).
    schopenhauer

    Les phrases qui tuent

    Pas besoin d’apprendre par coeur des raisonnements compliqués.
    Certains stratagèmes dialectiques sont de simples phrases qu’il faut sortir à point nommé.

    « Je ne comprends rien de ce que vous me dites. »

    (nº31)
    En gros : « Non, je ne suis pas bête, mais vos arguments sont si stupides que je n’y comprends rien. »
    Une ironie qui fait mouche.

    « C’est du manichéisme ! »

    Assimiler l’argumentation de l’adversaire à une argumentation déjà connue, négative, voire dégradante (nº32)
    Dans le même genre, il y a :
    « C’est de l’idéalisme ! Quel point de vue sectaire ! Allez, le point Godwyn ! »

    « Ton argument n’est qu’une pétition de principe. »

    (ou petitio principii, si vous voulez encore plus vous la péter !) » (nº22)
    [D’ailleurs utiliser des mots en latin que l’adversaire ne comprend pas, est également un bon stratagème ! (nº36)].

    Mais alors, qu’est-ce que c’est, une pétition de principe ?
    Un exemple : « Je dis toujours la vérité. Donc je ne mens jamais. »
    C’est un argument fallacieux qui reprend en conclusion un fait déjà établi en introduction, mais en le tordant.

    « En théorie oui, en pratique non. »

    (nº33)
    En général, les deux conséquences vont ensemble.
    Mais en disant cette simple phrase, l’adversaire semble manquer d’expérience et perd donc de sa crédibilité.

    Utiliser des arguments ad hominem

    (nº13)

    Si A défend le suicide,
    B – « Alors pourquoi ne te pends-tu pas ? »

    Exemple de Schopenhauer

    À fond dans l’émotion

    Mettre en colère

    Une personne en colère est moins crédible.
    D’abord, elle montre son instabilité émotionnelle mais surtout, en s’énervant à un moment précis, elle laisse montrer où est son point faible (nº27).

    Alors n’hésitez pas à fâcher l’adversaire (nº8).
    Schopenhauer explique comment faire :

    « Il est possible de provoquer la colère de l’adversaire en étant injuste envers lui à plusieurs reprises, ou par des chicanes, et en étant généralement insolent. »

    Une autre façon effrontée de le déstabiliser est de l’interrompre en pleine argumentation (nº18) et faire diversion en parlant carrément d’autre chose (nº24).
    D’après le philosophe, cette méthode est innée mais n’est à utiliser « que faute de mieux ».

    Faire honte

    La colère n’est pas la seule émotion susceptible de vous faire gagner un débat.
    Il y a la honte.

    Lorsque la discussion a lieu devant du monde, il faut s’adresser au public plutôt qu’à l’adversaire (nº28).

    « Votre adversaire aura beau être un expert, ceux qui composent le public n’en sont pas, et à leurs yeux, vous l’aurez battu, surtout si votre objection le place sous un jour ridicule. »

    Prendre l’opinion du public comme référence est également une bonne idée.
    Faîtes-en un argument d’autorité (nº30).
    Même si les gens présents n’y connaissent rien, on aura naturellement tendance à croire qu’ils ont raison.
    Regardez comme ça marche dans « Qui veut gagner des millions ? »

    Taper où ça fait mal !

    Comment déterminer que l’adversaire est sous pression ?
    Lorsqu’il ne donne pas de réponse directe, ou tente de l’éviter avec une autre question ou en changeant de sujet.
    C’est alors qu’il faut faire preuve de cruauté intellectuelle : « appuyer davantage (…) et ne pas laisser votre adversaire l’éviter ». (nº34)

    Si ce n’est pas suffisant, il y a les deux stratagèmes décrits par Schopenhauer :

    • nº35 : faire douter l’auditoire des véritables motifs et intentions de l’adversaire.
    • nº38, le dernier : tomber carrément dans l’insulte personnelle.

    Et comment gagner face à ses méthodes extrêmes ?

    « Garder son sang-froid (…) : dès que l’adversaire passe aux attaques personnelles, on répond calmement qu’elles n’ont rien à voir avec l’objet du débat, on y ramène immédiatement la conversation, et on continue de lui montrer à quel point il a tort, sans tenir compte de ses insultes (…). Mais ce genre de comportement n’est pas donné à tout le monde. »

    En effet !

    Moralité : comment éviter la manipulation

    « La seule parade sûre est donc celle qu’Aristote a indiquée : ne pas débattre avec le premier venu mais uniquement avec les gens que l’on connaît et dont on sait qu’ils sont suffisamment raisonnables pour ne pas débiter des absurdités et se couvrir de ridicule. (…)
    Il en résulte que sur cent personnes il s’en trouve à peine une qui soit digne qu’on discute avec elle.
    Quant aux autres, qu’on les laisse dire ce qu’elles veulent car desipere est juris gentium (c’est un droit des gens que de délirer…). »

    Arthur Schopenhauer, L’art d’avoir toujours raison, 1830

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