Poésie et polémiques

C’est l’une des photographies en noir et blanc les plus célèbres au monde.
Signée Robert Doisneau (1912-1994) et publiée pour la première fois, le 12 juin 1950 dans le magazine Life.
On vous raconte les coulisses du Baiser de l’Hôtel de Ville.
1 – Photo posée ou photo volée ?
Restons romantiques et disons : un peu des deux !
Robert Doisneau, devenu photographe après la Seconde Guerre mondiale, propose son travail à divers magazines.
Au printemps 1950, il doit réaliser un reportage pour l’hebdomadaire américain Life.
Pendant son repérage, il tombe sur un jeune couple au bistrot de Villars. Les deux étudiants jouent au flipper et entre chaque partie, s’embrassent souvent.
Doisneau les remarque et leur propose une séance photo en pleine rue …
Et ainsi naît Le Baiser de l’Hôtel de Ville.
Un baiser posé, mais un vrai baiser tout de même, au milieu de passants anonymes qui eux ne posent pas !
« Je n’aurais jamais osé photographier des gens comme ça. Des amoureux qui se bécotent dans la rue, ce sont rarement des couples légitimes … »
Robert Doisneau
2 – Pourquoi en noir et blanc ?
Oui, c’est très esthétique et c’est même devenu la marque de fabrique de Robert Doisneau.
Pourtant, si Le Baiser de l’Hôtel de Ville est en noir et blanc, ce n’est pas pour la dimension artistique, mais pour une raison plus terre-à-terre : le manque d’argent !

Jusqu’à la fin des années 80, Doisneau travaillait avec un petit Rolleiflex 6×6 dont les clichés couleur étaient plus chers à développer.
Les pellicules couleur n’étaient pas non plus particulièrement adaptées au travail en extérieur.
Comme quoi, les problèmes de budget, ça a parfois du bon !
3 – Un succès grâce à la nostalgie
Le Baiser de l’Hôtel de Ville a été publié dans Life le 12 juin 1950, mais la photo passe inaperçue parmi tant d’autres …
Jusqu’en 1986, quand elle est commercialisée comme poster, carte postale, calendrier, papier à lettres …
Mais aussi en rideau de douche et taie d’oreiller !
Elle bat le record mondial du tirage en format affiche : 410.000 exemplaires.
Une seconde jeunesse et une célébrité mondiale pour un cliché vieux de 30 ans.
Sans doute parce qu’il renvoie l’image d’une jeunesse d’après-guerre dans un Paris idéal.
Jacques Prévert disait de Robert Doisneau : « C’est toujours à l’imparfait de l’objectif qu’il conjugue le verbe photographier. »
De la pure nostalgie …
« Cette photo m’inquiète un peu. Ce succès montre que c’est un effet facile.
Pourquoi tant de gens s’identifient sur cette photo ?
Parce que c’est le symbole d’un moment heureux. »
– Robert Doisneau
4 – Une jolie histoire … qui finit au tribunal !
La photo immortalise l’histoire d’amour entre deux étudiants en théâtre.
Françoise Bornet et Jacques Carteaud se sont rencontrés au Cours Simon, puis séparés quelques mois après la séance photo.
Mais une partie de flipper aura marqué leur vie …
Quand leur baiser devient mondialement célèbre, des dizaines de couples croient se reconnaître sur le cliché.
En 1992, Denise et Jean-Louis Lavergne s’identifient au point d’attaquer Doisneau en justice, pensant qu’il s’agit d’une photo volée de leur couple.
Ils lui réclament 500.000 francs pour violation de leur vie privée.
Doisneau fait appel à Françoise Bornet, qui témoigne, tirage original à l’appui.
Du coup, les Lavergne perdent le procès (et les appels jusqu’en 1999 !).
Françoise Bornet profite de l’occasion et attaque également Doisneau !
Elle lui réclame des droits pour son apparition sur la photo.
Ce que le tribunal refuse, estimant que son visage n’est pas reconnaissable.
En 2005, l’actrice se consolera en vendant le tirage original, offert par Doisneau, pour 184.960€ à un collectionneur suisse.
Quant à Jacques Carteaud, l’autre « héros » de la photo aujourd’hui décédé, il a toujours refusé de « transformer cette histoire photographique en histoire de fric ».

5 – Les autres baisers de Doisneau
Robert Doisneau est le photographe de Paris.
Des écoliers courant devant la Tour Eiffel aux artisans des faubourgs, il a tendrement célébré la capitale et ses habitants.
Mais il a surtout participé au cliché « Paris, ville de l’amour ».
Outre Le Baiser de l’Hôtel de Ville, Doisneau a immortalisé bien d’autres câlins et bécots !
À découvrir …

Passionnant ! C’est fou tout ce qui se cache derrière cette photo si connue qu’elle a le même voile légendaire que Notre-Dame (qui a perdu le sien, parti en fumée, c’est là que je me suis rendue compte que je la croyais immortelle…). Une double attaque au tribunal, pauvre Doisneau ! Merci pou cet article !
Merci 🙂 En effet, le pauvre Doisneau a payé son succès …
Le grand Henri Cartier Bresson parlait de l’instant décisif et à cet instant,mrDoisneau pouvait il savoir que 70 ans plus tard celle-ci allait déclenché une bataille juridique le droit à l’image n’existait pas encore!!!
Heureusement qu’il ne l’a pas su, sinon il n’aurait peut-être pas voulu faire la photo …
J’ai toujours adoré entre autres cette célèbre photo « du baiser de l’hôtel de Ville ». Moi sincèrement, je n’en ai rien à faire que le couple soit des gens rencontrés dans un café ou ailleurs. Le Magnifique charme est cette photo. Point final. Tristes individus ceux qui ont voulu en tirer de l’argent, il existait déjà des pingres, arrivistes à l’époque c’est vraiment triste et malhonnête. Les gens qui écrivent qu’on ne s’embrassait
pas ainsi dans les rues de Paris, oh que si, et ça ne choquait pas grand monde. La joie de pouvoir revivre, être heureux après la guerre. J’étais à Paris et je sais de quoi je parle. Alors ceux qui ne connaissent rien à cela, par pitié, abstenez-vous d’écrire n’importe quoi !!
Belle photo intemporelle qui en dépit des histoires de « frics » a su immortaliser ce moment…
L’amour est souvent le plus beau, lorsqu’il se voit dans un simple baiser au milieu des passants alors qu’on est dans son monde.
Je souhaite à chacun de trouver son autre qui saura, même au milieu d’une foule, créer votre monde à deux.
Merci pour votre si beau commentaire. L’amour, c’est tout à fait ça : se créer un monde à part. C’est pourquoi cette photo nous touche toujours autant, tant d’années après.