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« Les Ménines »: Comment Velázquez inspira Goya, Picasso et Dali

    Le chef d’oeuvre énigmatique

    Les Ménines

    En 1656, l’Espagne est en plein Siècle d’Or, une période de rayonnement culturel et artistique.
    Diego Velázquez (1599-1660), peintre à la cour du roi Philippe IV d’Espagne, achève Les Ménines.

    Ce grand et célèbre tableau (318 × 276 cm), aujourd’hui exposé au musée madrilène du Prado, intrigue encore près de 400 ans après sa réalisation.
    Décryptage.

    Les Ménines … Et qui d’autre ?

    La réponse est en partie dans le sous-titre de l’oeuvre :  La Famille de Philippe IV !
    Il s’agit en effet de membres de la famille royale et de la cour, représentés au palais de l’Alcazar.
    Plus précisément dans les appartements du peintre, où l’on pouvait voir une série peinte par Rubens et des copies de toiles réalisées par Juan del Mazo, l’assistant (et gendre) de Velázquez.
    Des oeuvres que les experts reconnaissent dans Les Ménines.

    Les Ménines

    Composition

    1 – L’infante Marguerite-Thérèse, alors âgée de cinq ans …
    2 – … est entourée de las meninas, des demoiselles de la noblesse chargées de lui tenir compagnie.
    On voit doña Isabel de Velasco faire une révérence et doña María Agustina Sarmiento de Sotomayor qui lui propose un plateau d’aliments.

    3 – À droite, deux personnages représentés comme faire-valoir.
    L’Allemande Mari Bárbola regarde droit devant elle pendant que l’Italien Nicolasito Pertusano tente de réveiller du pied un mâtin espagnol.

    4 – Derrière eux, doña Marcela de Ulloa et celui qui pourrait être Diego Ruiz de Azcona sont en grande discussion.
    Leur rôle ? Chaperonne et garde du corps de la princesse.

    5 – Le peintre est bien Diego Velázquez, qui signe là l’un de ses rares autoportraits.
    Sur le torse, il porte la croix rouge de l’Ordre de Santiago, un détail rajouté à sa mort, puisqu’il ne l’obtient que trois ans après la réalisation des Ménines.

    6 – Au fond, un autre personnage regarde droit devant : Don José Nieto Velázquez, le chambellan de la Reine, qui fait une pause dans les escaliers.
    Le décor lumineux derrière lui est le seul point de fuite de la perspective.

    Ils sont donc cinq qui semblent nous observer en contrechamp !
    Mais que regardent-ils réellement ?
    7 – Sans doute le couple dont on voit le reflet dans le miroir du fond : le Roi Philippe IV et son épouse Marie-Anne d’Autriche, qui posent pour le peintre. Les membres de la cour présents seraient ainsi venus pour les distraire pendant la séance.

    Certains pensent plutôt que le miroir reflète le couple déjà peint. C’est-à-dire la toile de Velázquez dont le résultat nous est caché, puisque nous n’en voyons clairement que l’envers.

    Qu’est-ce que ça montre vraiment ?

    On imagine bien que Velázquez n’a pas réalisé une composition si complexe pour ne montrer qu’une scène de la vie à la cour ! Voici quelques théories sur ce que vous voyez sans le savoir dans Les Ménines !

    • D’après le critique d’art Dawson Carr, Les Ménines s’inscrit dans la droite ligne de deux œuvres majeures du Siècle d’Or. En effet, le roman Don Quichote de Cervantés et la pièce La vie est un songe de Calderón de la Barca transmettent également l’idée que “l’art et la vie sont une illusion”
      La mise en abîme choisie par Velázquez fait réfléchir sur le pouvoir de l’image. Ainsi la toile vue à l’envers a les mêmes dimensions que Les Ménines. Et aucun double portrait royal n’a été retrouvé dans les inventaires. 

    Une des inspirations de Velázquez

    Les Époux Arnolfini par Jan Van Eyck, 1434

    Le miroir du fond reflète l’image des témoins du mariage ainsi que l’auteur de la toile.

    • Le romancier Jon Manchip White a fait également remarquer que cette toile ressemblait au CV de Velázquez.
      Le peintre montre un condensé de sa carrière, le résultat de trente ans à immortaliser la famille royale.
    • Pour l’historienne de l’art Svetlana Alpers, Velázquez aurait fait passer un autre message. La cour espagnole considérait alors la peinture comme un art mécanique (comme l’agriculture, la chasse ou la fabrication de la laine !). Les Ménines serait donc une façon de montrer au roi que cet art et ses praticiens méritaient un autre statut.
      Philippe IV a-t-il compris ce message implicite ? On ne le sait pas … Mais un contemporain rapporta que le monarque appréciait particulièrement l’oeuvre. D’ailleurs, la légende dit qu’il ajouta lui-même la croix de l’Ordre de Santiago sur la toile à la mort de Velázquez … Mais c’est peu probable !

    Les Ménines : Une source d’inspiration

    Fait peu commun : la toile a été considérée chef d’oeuvre du vivant de Velázquez.
    Et elle le resta bien après.

    Un siècle plus tard, Francisco Goya (1746-1823) en fit une gravure. Puis il s’en inspira dans sa représentation de La famille de Charles IV (1800). Comme dans Les Ménines, le peintre s’inclut dans sa toile.

    Pablo Picasso était un grand admirateur de Velázquez, au point qu’à l’adolescence il reproduisait ses œuvres à la perfection. En 1957, il réalisa une série de 58 toiles sur Les Ménines … Mais cette fois, le réinterprétant à la mode cubiste !

    Quant à Salvador Dalí, il a non seulement réinterprété Les Ménines en les changeant en numéros, mais il a expliqué s’être inspiré de la moustache de Velázquez pour tailler la sienne !

    Le nombre secret de Velázquez (1965)

    D’autres réinterprétations

    Botero
    Raul Zuleta
    Stephen Yadzinki
    En couverture de Vogue Corée du Sud

    1 commentaire pour “« Les Ménines »: Comment Velázquez inspira Goya, Picasso et Dali”

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