L’homme qui défia Louis XIV par amour
Lorsque le Roi Soleil choisit Athénaïs de Montespan comme maîtresse, il n’imagine pas que ça posera problème à son époux.
D’abord, qui oserait se plaindre de ce que désire le Souverain ?
Et puis, être marié à la favorite, c’est mieux que de gagner à la loterie !
La famille entière reçoit soudain des rentes, des titres de noblesse et la considération de la cour.
Mais le marquis de Montespan n’en veut pas : il est amoureux de sa femme !
Et être cocu, très peu pour lui …
Un mariage d’amour …
Leur histoire commence par une mort violente !
Louis-Henri de Pardaillan de Gondrin, marquis de Montespan et d’Antin (1640-1691 ou 1701), est noble mais endetté.
Comme il est hors de question de travailler, tout son avenir va dépendre de son mariage.
En février 1663, il a la chance de sa vie, qui n’est pas celle de son frère, décapité lors d’un duel !
Le gentilhomme responsable est condamné à l’exil et sa promise ne l’accompagne pas.
La fiancée, c’est Françoise Athénaïs de Rochechouart de Mortemart (1640-1707).
Issue de la haute noblesse, belle, instruite, avec ses entrées à la Cour …
Madame de Sévigné dit d’elle :
« À la plus surprenante beauté, elle joignait l’esprit le plus vif, le plus fin, le mieux cultivé, cet esprit héréditaire dans sa famille. »
Bref, c’est un parti convoité …
Que remporte le marquis de Montespan, aussitôt tombé sous son charme.
Plus que ça, il est très amoureux.
Le mariage est heureux et accueille rapidement deux enfants : Marie-Christine (1663-1675) et Louis-Antoine (1665-1736).
Pourtant, leur situation économique continue d’être précaire.
Les dettes de Montespan les obligent à vivre dans un logement sans prestige, alors que Françoise Athénaïs rêve de la cour.
Montespan n’a pas le choix. S’il veut garder sa femme, il doit faire fortune, et donc la guerre.
… Un adultère d’ambition
C’est le début de la scoumoune !
Pas une seule occasion de briller.
En 1663, il est à Marsal, où les insurgés se rendent avant même le début des combats !
Puis, en 1664, lors de l’expédition de Djidjelli, il sauve la vie d’un homme qui lui promet une récompense … juste avant de mourir !
Montespan rentre sans aucun fait héroïque reconnu, mais davantage endetté.
Il repart donc retenter sa chance aux frontières pyrénéennes.
Pendant ce temps, la précieuse Athénaïs (qui a abandonné son premier prénom) s’est rapprochée des cercles littéraires du Marais.
On lui propose rapidement le poste de dame d’honneur à la cour.
Occasion rêvée qu’elle ne laisse pas échapper.
Dès 1666, Athénaïs est dans les petits papiers de Louise de La Vallière, la très sage favorite de Louis XIV.
Rapidement, le Roi Soleil remarque sa conversation piquante et en mai 1667, ce qui devait arriver arriva !
Quand le marquis de Montespan revient blessé des combats, onze mois après son départ, Athénaïs est enceinte … du roi !
La Vengeance du Cocu
Grâce à cette liaison royale, la famille d’Athénaïs nage dans l’opulence.
Son souhait est qu’elle dure le plus longtemps possible.
Alors, tout le clan se désolidarise de Montespan, qui, lui, ne décolère pas.
Il aime toujours sa femme et il refuse tous les privilèges que le roi lui accorde.
Il crée même un scandale à Versailles, lorqu’il gifle violemment sa femme et traite la gouvernante royale de « maquerelle ».
Chassé du château, Montespan continue ses esclandres dans tout Paris.
La Cour n’en revient pas !
Comment peut-il être aussi ingrat ?
Inspiré par cette nouvelle occasion de critiquer le roi, Molière en fait une pièce satirique, Amphitryon (1668).
Jupiter a couché avec la femme d’Amphitryon ?
« Le grand Dieu Jupiter nous fait beaucoup d’honneur (…)
Et que chacun chez soi, doucement se retire.
Sur telles affaires, toujours,
le meilleur est de ne rien dire. »
(Acte III, scène 10)
Non, Montespan ne compte pas se taire.
Pire encore, il compte se venger.
La Stratégie de la Vérole
Le marquis s’inspire d’un autre cocu légendaire.
Le mari de la Belle Ferronière se serait inoculé le virus de la syphilis afin qu’elle le transmette à son amant royal, François Ier.
Montespan se met à coucher avec les prostituées les moins en forme de Paris dans l’espoir d’attraper une MST !
Dans son idée, s’il réussit à la transmettre à sa femme, le roi aussi en sera atteint …
Et vengeance !
Après avoir assidûment visité les bas fonds de la capitale, Montespan va à la cour.
Il se met à courir derrière sa femme, qui se réfugie chez Mme de Montausier.
Les domestiques le maîtrisent alors qu’il est sur le point de forcer les portes à coups de canne !
Le Roi le condamne à quitter la Cour …
Le Carrosse de la honte
Ce qu’il fait, avec panache !
Le 20 septembre 1668, il débarque à Saint-Germain-en Laye dans un carrosse peint en noir, orné de gigantesques cornes de cerf !
Une revendication peu discrète de son statut de cocu, qui n’arrange pas le roi doublement adultère (à la reine Marie-Thérèse d’Autriche et à la favorite officielle, Louise de la Vallière).
L’Enterrement de son amour
Si le carrosse est peint en noir, c’est que le marquis porte le deuil.
Sa femme est toujours vivante, mais elle ne lui appartient plus.
Son mariage est mort …
Il organise donc ses funérailles !
Montespan célèbre une vraie cérémonie : enterrement d’un cercueil vide, tombe marquée d’une croix en bois avec les dates 1663-1667 …
Il rédige même un testament, qui évoque allégrement la liaison supposée clandestine du roi, fait rire tout Paris !
« N’ayant pas à me louer d’une épouse, qui se divertissant autant que possible, m’a fait passer ma jeunesse et ma vie dans le célibat, je me borne à lui léguer mon grand portrait peint par Bourdon, la priant de le placer dans la chambre lorsque le roi n’y rentrera plus. […]
Je lègue et donne au roi mon vaste château de Montespan, le suppliant d’y instituer une communauté des dames repenties à la charge et condition spéciale de mettre mon épouse à la tête de ce dit couvent et de l’y nommer première abbesse. »
Extrait du testament de Montespan
Le Roi contre-attaque
Louis XIV est excédé par ce sujet qui l’a publiquement traité de « canaille ».
Montespan l’empêche d’officialiser sa relation avec Athénaïs, alors qu’elle multiplie les grossesses et que Louise de la Valière s’est retirée dans un couvent.
Il le fait donc condamner à une lourde peine de prison pour le supposé enlèvement d’une jeune fille.
Mais Montespan s’enfuit en Espagne, alors en guerre avec la France.
Un an plus tard, Louis XIV lui offre un titre de duc (et la fortune qui l’accompagne) que le marquis refuse.
Au désespoir, il l’oblige à se retirer dans ses terres de Gascogne.
Et là, Montespan n’a plus le choix …
Exilé mais amoureux
Montespan obéit à Louis XIV et de 1686 à sa mort, il réside seul dans son château de Saint-Elix.
Sa fille Marie-Christine est morte de chagrin ; elle aussi a trop aimé sa mère …
Quant à son fils Louis-Antoine, avide des ors de Versailles, il se désolidarise de ce père qui lui fait honte.
Pour Montespan, il n’y a toujours qu’Athénaïs.
Conscient que le roi finira par s’en lasser, il tente de rénover Saint-Elix pour le jour de son retour contraint.
Montespan se fait un plaisir de débaucher le jardinier royal, André Le Nôtre, qui y crée des jardins à thème.
De vains efforts puisqu’Athénaïs n’habitera jamais Saint-Elix.
Pourtant, ce n’est pas faute de le vouloir.
Comme Montespan l’avait prévu, la situation de sa femme finit par changer.
Après l’affaire des Poisons (1679-1682), le Roi méfiant la remplace par la gouvernante de leurs enfants, Madame de Maintenon.
Athénaïs écrit alors à son mari pour lui demander de revenir auprès de lui.
Il refuse : il se sait malade et ne veut pas lui imposer la vue d’un grabataire.
Cocu pendant des décennies, le marquis meurt amoureux de sa femme.
Jusqu’à la fin, il signe ses lettres d’un « Marquis de Montespan, époux séparé quoique inséparable ».
En Savoir Plus
- Roman : Jean Teulé, Le Montespan
- Bande dessinée (dont sont issues les vignettes ci-dessus) : Jean Teulé, Philippe Bertrand, Le Montespan
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